Analyse personnages - LP
Les lettres persanes est un roman polyphonique et épistolaire. C'est le premier grand roman polyphonique et épistolaire de l'époque.
Mais la polyphonie au sein de l'oeuvre est relative
- Usbek écrit la moitié des lettres (76 sur les 161)
- Le couple Rica/Usbek constitue les 3/4 des lettres (120 sur les 161)
Les destinataires de ces lettres s'organisent en plusieurs catégories :
- Les femmes (Fatmé, Roxane, Zélis, Zéphis et Zachi)
- Les eunuques (1er Eunuque, 2ème Eunuque, Grand eunuque noir, eunuques blancs)
- Les amis (Ibben, Mirza, Rhédi, Rustan)
- Les religieux
Tous ces destinaires ont un lien avec Usbek, il est le personnage central et fait partie de tous les circuits de communication.
Certains personnages ne semblent même pas être des personnages, ils ne sont que des ombres, simples fonctions. (Exemple de Mirza, n'écrit qu'une seule lettre : lettre 10. Son seul rôle est de permettre à Usbek de s'exprimer par la phrase "Explique moi, je te prie, ce que tu veux dire". Ainsi il permet à Usbek de raconter l'histoire des Troglodytes. Il prend le rôle du confident au théatre.)
Mais le nombre de lettres n'est pas le seul facteur de l'importance des personnages. (Exemple de Roxane, très peu présente dans l'oeuvre, seulement deux lettres, mais personnages clé du roman.
Sa dernière lettre fait contrepoids à toutes les réflexions philosophiques d'Usbek ➝ Disgression car elle dénonce sa dictature. Usbek dénonce et critique, à travers ses lettres, la dictature par une disgression, mais Usbek apparaît lui même comme un dictateur ➝ contradiction révelée par Roxane.
C'est la seule femme qui n'écrit pas de lettre avant la 147ème, c'est un personnage silencieux ➝ renforce le choc final, la fin apparaît comme un coup de théatre. La rareté prend une valeur d'emphase.
Personnages voyageurs
- Usbek ➝ Paris
- Rica ➝ Paris
- Rhédi ➝ Venise
- Nargum ➝ Russie
Couple Usbek / Rica
Vrai travail de polyphonie épistolaire liée à des tempéraments différents ( = théories des tempéraments)
La première lettre écrite par Rica est la lettre 24, (voir cours sur la lettre 24 ici) elle est écrite de Paris.
Usbek met en évidence l'opposition entre lui et Rica (lettre 27) "la force de sa constitution, sa jeunesse et sa gaeté naturelle.. Mais pour moi, je n eme porte pas bien : mon corps et mon esprit sont abattus ; je me livre à des réflexions qui deviennent tous les jours plus tristes ; ma santé, qui s'affaiblit, me tourne vers ma patrie et me rend ce pays-ci plus étranger."
Rica est un personnage satirique, joyeux, enjoué et corrosif. Il sera l'auteur des principales lettres satyriques. Il écrit à Usbek, Ibben, Rhédi, Nathanaël Lévi et la personnage anonyme ***)
La principale opposition entre les deux personnages est mise en valeur dans la lettre 63 qui exprime la réussite de l'acculturation de Rica qui parvient à se détacher de l'Orient pour entrer dans le nouveau monde "mon esprit (...) se plie aux moeurs européennes". Rica se fait à la culture occidentale qu'il ne voit plus comme exotique
➝ Regard critique sur son ancien monde. Renversement de situation, la découverte de l'autre premet un recul critique vers soi. Sa découverte l'éclaire sur la Perse, le regard étranger s'inverse.
Usbek va lui aussi être éclairé, mais cela reste au plan de la spéculation ( = dans les idées seulement).
Rica est capable de remettre en question le gouvernement domestique.
Les Femmes
Fatmé, Roxane, Zéphis, Zachi, Zélis ➝ les noms des femmes sonnent orientaux, permet de renforcer le réalisme de l'oeuvre.
Les femmes du sérail sont les seuls personnages féminins du roman. Leurs noms font échos aux personnages féminins de Bajazet (Zatime et Zaïre)
Le sérail apparaît très vite dans les Lettres persanes et il y revient souvent. C'est le lieu où sont gardées les nombreuses femmes d'Usbek. Il apparaît bien en premier lieu, comment un lieu de servitude. Les femmes y sont considérées comme des esclaves, dédiés au plaisir de leur maître. Elles lui doivent obéissance, comme il leur rappelle à de nombreuses reprises et ne sont là que pour son plaisir.
Dès le plus jeune age, les femmes persanes sont mises à l'écart, comme nous l'apprend Zélis, l'une des femmes d'Usbek, dans la lettre LXII, où elle explique à son époux qu'elle a décidé d'isoler leur fille qui n'a que sept ans. Elle nous dit que les femmes doivent être consacrées au sérail.
La femme n'a donc aucune liberté, à aucun moment de sa vie, son enfance est très courte. Quand elle n'entre pas dans le monde du sérail dés son plus jeune age, elle est achetée. On peut voir dans les lettres LXXIX et XCVI, le grand eunuque noir faire l'achat de deux femmes destinées à des sérails. Ce n'est donc même pas le maître du sérail qui choisit ses femmes. Elle apparaissent bien comme de simples objets (voir lettre LXIII).
Ces femmes si enchaînées ressentent alors tout naturellement un besoin de liberté, qu'elles ne peuvent assouvir que dans le désir, et la tentation d'aller trouver leur plaisir ailleurs. Elles n'ont pas le droit d'avoir du plaisir avec d'autres personnes que leur époux, que ce soit entre elles, avec leur servante (voir lettre IV), ou avec les eunuques. Il n'est même pas utile de préciser qu'il est hors de question d'en avoir avec un autre homme. Le plaisir apparaît en tout cas comme une préoccupation majeure des femmes du sérail. Mais ce plaisir reste dépendant de leur époux, qu'elles doivent se partager.
Toutes ces frustrations et interdictions amènent logiquement la femme à trouver sa seule liberté dans le désir, qui ne peut être limité par le maître et la recherche du plaisir ailleurs est une conséquence directe de leur enfermement. Comme l'avouera Roxane dans la dernière lettre : "J'ai toujours été libre : j'ai réformé tes lois sur celles de la nature, et mon esprit s'est toujours tenu dans l'indépendance" Ainsi si leur corps est enchaîné, leur esprit garde sa liberté.
Toutefois, le désir n'est pas leur seule liberté. Les femmes ont un certain pouvoir dans le sérail. D'abord sur les eunuques, qu'elles commandent pour la satisfaction de leurs caprices, comme s'en plaint le grand eunuque noir dans la lettre IX. Il y explique que les femmes, qui doivent lui obéir sur les grandes choses, ont pourtant le pouvoir sur de petites choses, et de plus elles décident de son sort auprès d'Usbek. En effet, les femmes ont sur leur époux même une force. Elles réussissent à l'influencer par justement ce plaisir qu'elles lui donnent. Elles ont un pouvoir charnel sur leur maître, dépendant finalement de leurs corps. Ce pouvoir ne s'arrête pas là. Il s'accroît encore dans la jalousie d'Usbek. Dans la lettre LXII, Zélis met en avant la dépendance d'Usbek : "Dans la prison où tu me retiens, je suis plus libre que toi : tu ne saurais redoubler tes attentions pour me faire garder, que je ne jouisse de tes inquiétudes ; et tes soupçons, ta jalousie..."
Les Eunuques
Informateurs d'Usbek, ils sont, par leur rapport aux femmes, esclaves et maîtres à la fois. Chargé d'une mission sacrée, l'eunuque fait peur, il est un repoussoir. L'autorité est sa revanche, et dans la main d'Usbek, il est l'instrument d'un pouvoir totalitaire.
Hiérarchie : Eunuques noir > Eunuques blanc