Frère Jean des Entommeurs

02/02/2017

L'un des plus vaillants champions de l'armée de Grandgousier est un moine, frère Jean des Entomeures. À l'approche des ennemis, les autres moines se sont réfugiés tout tremblants dans la chapelle ; frère Jean s'arme du bois de la croix, met son froc en écharpe et tombe à bras raccourci sur les pillards et en laisse sur le terrain « treize mille six cents vingt-deux, sans les femmes et petits enfants, cela s'entend toujours ». L'auteur avait évidemment l'intention de montrer que le couvent renferme et enlève à la société des hommes faits pour l'action, qui sont de mauvais moines et qui feraient d'excellents soldats, d'excellents laboureurs et artisans. Les ennemis battus et rentrés dans tour pays, Gargantua songe à récompenser le moine. Il lui offre une abbaye qu'il a préservée du pillage. Mais frère Jean refuse. Cependant il ne demande pas mieux que de fonder une abbaye à son gré. C'est la fameuse abbaye de Thélème, véritable paradis terrestre ou règne la liberté absolue, la joie, l'étude, les honnêtes délassements. Sur la porte est gravée la devise : Fais ce que tu voudras. On y entre et on en sort à volonté. C'est le rêve d'un ami de l'humanité.


"En l'abbaye il y avait alors un moine de cloître nommé frère Jean des Entommeures, jeune, galant, gaillard, ardent, très adroit, hardi, aventureux, résolu, grand, maigre, bien fendu de gueule, bien avantagé en nez, beau dépêcheur d'heures, beau débrideur de messes, beau décrotteur de vigiles, pour tout dire sommairement vrai moine s'il en fut jamais depuis que le monde moinant moina.

Ce disant, mit bas son grand habit et se saisit du bâton de la croix qui était de cœur de cormier , long comme une lance, rond à plein poing, et quelque peu semé de fleurs de lys, toutes presque effacées. Il sortit de la sorte, dans son beau sarrau, avec son bâton de croix, mit son froc en écharpe, et frappa brutalement sur les ennemis qui vendangeait à travers le clos, sans ordre, sans enseigne, sans trompette ni tambour : en effet, les porte-drapeau et les porte-enseigne avaient laissé leurs drapeaux et leurs enseignes le long des murs, les tambours avaient défoncé leurs caisses d'un côté pour les emplir de raisins, les trompettes étaient chargés de pampres, chacun faisait relâche. Il les cogna donc si vertement, sans crier gare, qu'il les culbutait comme porcs, en frappant à tort et à travers, comme les anciens escrimeurs. 

Aux uns, il écrabouillait la cervelle, à d'autres, il brisait bras et jambes, à d'autres, il démettait les vertèbres du cou, à d'autres, il disloquait les reins, effondrait le nez, pochait les yeux, fendait les mâchoires, enfonçait les dents dans la gueule, défonçait les omoplates, meutrissait les jambes, déboîtait les fémurs, émiettait les os des membres."

  • Description physique _
  • Énumération des verbes d'actions _

Frère Jean a une fonction épique dans l'œuvre. En effet, il a une taille normale et n'est pas un géant contrairement à Gargantua et Grandgousier, mais son héroïsme est à la hauteur de certains personnages de l'Iliade. Il a une force surhumaine puisqu'il inflige toujours des dégâts hyperboliques à l'ennemi « grâce à son exploit, tous ceux de l'armée qui étaient entrés dans le clos furent déconfits, et leur nombre se montait à treize mille six cents vingt-deux, sans compter les femmes et les petits enfants, comme de bien entendu » (p231). On comprend surtout l'étendue de sa force lorsqu'on compare ses dégâts à l'arme utilisée puisque ce n'est qu'un bâton de croix. Il peut être comparé à Achille car cet incroyable massacre est perpétré par un seul homme. De plus lors des combats il est très vif et fonce sans hésiter. C'est aussi un héros car il aide les autres et ne combat pas que pour lui-même comme Gargantua le souligne «il défend les opprimés ; il console les affligés ; il secourt ceux qui souffrent ; il garde les clos de l'abbaye » (p293) C'est donc une figure indispensable lors des batailles, puisqu'il aide et mène à la victoire

Ainsi, on retrouve aussi le registre épique à travers le combat violent de frère Jean. Tout d'abord, avec l'intervention du narrateur :"croyez bien que c'est le plus horrible spectacle qu'on ait jamais vu" p227. De plus, on remarque une exagération avec l'image de guerrier seul face à tous, il tue tous les voleurs seulement grâce à un "bâton de la croix"L'exagération est aussi soulignée par le nombre hyperbolique de morts: "treize mille six cents vingt-deux" p 231,et par l'extrême violence du combat "Aux uns, il écrabouillait la cervelle, à d'autres, il brisait bras et jambes, à d'autres, il démettait les vertèbres du cou, à d'autres, il disloquait les reins, effondrait le nez, pochait les yeux, fendait les mâchoires, enfonçait les dents dans la gueule, défonçait les omoplates, meutrissait les jambes, déboîtait les fémurs, émiettait les os des membres.". 

Dans son œuvre, Rabelais utilise le personnage haut en couleurs de frère Jean comme porte parole pour porter un regard critique sur l'église (le manque d'éducation, la passion pour la boisson, la lâcheté,...des moines) mais frère Jean est loin d'être son idéal, il a aussi des défauts. Il parvient à cette critique par l'utilisation de la satire et de l'amplification. . On peut d'ailleurs remarquer la filiation entre Rabelais dont la première abbaye était celle de Seuilly chez les franciscains et frère Jean qui lui, vient aussi de cette abbaye. Rabelais avait été révolté de l'ignorance qui y régnait et en avait changé pour les Bénédictins.

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