Le Personnage de Roman

20/01/2017

Le Personnage de Roman

CRÉATURE DE PAPIER ?

Le mot personnage vient du latin persona (du verbe personare = parler au travers) qui représente le masque que les acteurs portaient au théâtre.

Persona : Masques qui servaient à déguiser l'acteur et permettait d'augmenter la portée de sa voix

→ L'auteur va parler au travers de son personnage, tel l'acteur au travers de son masque : Système de double énonciation

Le mot personnage apparaît au XIIIème siècle en français, en XVème siècle, il permet de désigner une personne fictive. Mais c'est au XVIIIème siècle, que Montesquieu dans son œuvre « Quelques réflexions sur Les Lettres Persanes » définit le personnage comme une « personne qui figure dans un ouvrage narratif » (avant Montesquieu, toute personne qui figurait dans un ouvrage narratif était appelé héro, ou héroïne)

Le personnage est un pilotis (fait tenir, va donner de la solidité) de l'univers fictif. C'est grâce au personnage que l'univers de la fiction va être cohérent (si le personnage est mal réalisé, le lecteur ne va pas pouvoir croire à la fiction)

Dans son texte Tel quel, Paul Valéry décrit les personnages comme des « vivants sans entrailles »

« Supersition littéraires - J'appelle ainsi toute croyance qui ont de commun l'oubli de la condition verbale de la littérature. Ainsi existence et psychologie des personnages, ces vivants sans entrailles »

- Paul Valéry

L'univers de la fiction est donc une véritable entité construite de toute pièce par un enchaînement de mot. Les auteurs apparaissent comme des démiurges, qui créent de véritables créatures de papier.

N'étant qu'une simple créature de papier, irréelle, il est toutefois susceptible de créer un engagement affectif de la part du lecteur → on va aimer ou détester certains personnages, alors qu'ils n'existent même pas.

Le personnage est une fabrication duelle :

  • L'auteur va décrire son personnage à l'aide d'éléments textuels
  • Le lecteur participe à sa fabrication en créant un lien entre les personnages et son univers.

Les meilleurs livres sont ceux qui font faire aux lecteurs la moitié du chemin 

- Voltaire

Un roman est comme un archet, la caisse du violon qui rend les sons, c'est l'âme du lecteur  

- Stendhal

Ainsi, en 1857, l'avocat impérial Ernest Pinard à accusé Emma Bovary de ne pas avoir aimé son mari, et d'être immorale, alors que celle ci n'existe même pas.

COMMENT LE PERSONNAGE EST-IL CONSTRUIT ?

Par l'onomastique

A) Un personnage, au sens le plus traditionnel, c'est d'abord un nom propre qui permet de le désigner

Il est, selon Barthes, « le prince des signifiants »

Flaubert dans sa lettre à Louis Bonenfant 1868 explique qu' 

Un nom propre est une chose extrêmement importante dans un roman, une chose capitale. On ne peut pas plus changer un personnage de nom que de peau 

- Flaubert

Dans le cas du personnage éponyme (exemple : La Princesse de Clèves, mais le nom du personnage au début est Mlle de Chartres) Cela permet généralement de focaliser d'emblée l'attention du lecteur sur ce personnage

Dans le cas du personnage récurrent. Le principe de récurrence est un procédé qui consiste à faire apparaître dans plusieurs œuvres le même personnage (C'est le cas notamment de Eugène de Rastignac, dans La Comédie Humaine de Balzac Création d'un « effet monde » + Familles des Rougons-Macquart d'Émile Zola.)

Dans le cas du personnage emprunté par un auteur à un autre. Il prend alors un statut légendaire, mythique. (Exemple : Robinson Crusoé qui apparaît pour la première fois au XVIIIème siècle dans le texte Vendredi ou la vie sauvage de Daniel Defoe. Son nom sera repris dans Voyage au bout de la nuit de Céline sauf que le personnage de Robinson est totalement éloigné de celui de Defoe, Céline se sert du mythe de Robinson pour donner de l'épaisseur à son personnage)

B) Un nom propre permet également de mettre en valeur un degré de fictivité plus ou moins fort

Dans le cas du personnage dont le nom reflète explicitement le statut imaginaire et fictif (exemple : Le géant Grandgousier dans le texte Gargantua de Rabelais)

Dans le cas du personnage dont le nom le situe dans l'ordre du vraisemblable et du possible (exemple : Charles, Rodolphe ou Léon dans Mme Bovary de Flaubert, l'utilisation de noms communs rend le personnage d'autant plus crédible et vraisemblable)

Dans le cas du personnage référentiel (= qui renvoie à une personne qui a existé dans le monde réel) (exemple : Henri II, Diane de Poitiers, Catherine de Médicis dans La Princesse de Clèves de Mme de Lafayette dans laquelle la réalité est basée sur la vérité historique à la cour)

Il y a alors une différence entre un personnage référentiel et un personnage totalement fictif. Il y a un important écart entre les deux cas : l'un à existé hors-texte, dans la réalité, l'autre n'existe que dans, et par le texte.

C) Le nom propre peut également faire sens

Le nom du personnage peut être chargé de connotation : Plus le nom signifie quelque chose, donne du sens, plus le récit semble s'éloigner du réel, car dans le monde réel, les noms des personnes sont arbitraires.

Dans le cas du personnage dont le nom suffit à programmer son destin (exemple : Le personnage de Bérénice dans Aurélien d'Aragon. Son nom fait référence à l'Héroïne de Racine dont le destin fatal entrainait une séparation, et une histoire douloureuse. En appelant son personnage Bérénice, Aragon évoque l'inéluctable séparation qu'elle vivra)

Dans le cas du personnage dont le nom évoque un nom commun (Exemple : Dans l'incipit du roman Mme Bovary de Flaubert, les camarades de Charles Bovary le surnomme « Charbovari », qui rappelle l'idée de bœuf, bovin, et qui explique son tempérament bovin dont la lourdeur et la trivialité le rendront incapable de s'élever aux aspirations d'Emma)

Dans le cas du personnage dont le nom définit son appartenance à une catégorie sociale (exemple : Dans A la Recherche du temps perdu de Proust, on découvre la Duchesse de Guermantes → nom aristocratique ; mais aussi Cottard ou Brichot → nom bourgeois, ridicules, routiers)

Le choix du nom du personnage est donc très important. Plus le nom d'un personnage est plein, plus le personnage paraît vide. Plus le nom à de sens, moins le personnage peut prétendre à une densité → Lorsque le nom d'un personnage est lourd de sens (exemple : Candide, Rica) l'auteur n'a pas besoin d'insister sur l'épaisseur du personnage. Lorsque le nom d'un personnage est simple, il travaille plus sur sa psychologie et son épaisseur.

Par la caractérisation

Caractérisation (= qui donne du caractère)

→ Pour créer l'épaisseur du personnage, les personnages sont dotés d'un passé, d'une histoire, d'une biographie, d'une hérédité..

A) Caractérisation directe

Lorsqu'il y a pause dans le récit pour réaliser le portrait d'un personnage, le portrait littéraire est très précis, il comprend :

La caractérisation peut être abondante, riche en détails. Elle peut « caractériser l'état civil » selon Balzac. (exemple : Dans le texte du Père Grandet de Balzac, le narrateur omniscient fait un portrait extrêmement précis physique et moral du personnage)

Mais le portrait peut être également caricatural (exagération des défauts) → registre burlesque (exemple : Portrait de Mme Bouvillon, dans le Roman Comique de Scarron)

B) La caractérisation indirecte : le portrait en actes et en paroles

Portrait en actes et en paroles : Pas de description physique et morale, on le caractérise par ses actions, ses paroles et ses pensées

Portrait en actes

Fréquemment utilisé pour présenter les hommes d'actions. (exemple : Le Portrait du frère Jean des Entommeurs, dans Gargantua de Rabelais. La description physique du personnage est très brève et peu précise, puis l'auteur insiste sur ses actions)

Portrait en paroles

On rapporte les paroles du personnage sous la forme d'un dialogue, ou d'un monologue intérieur → Vraisemblance + révèle sa psychologie

On peut également réaliser un portrait en parole par l'utilisation du discours direct (voir types de discours ici) → Le narrateur s'efface, et laisse la place à la parlure des personnages (= la façon dont ils s'expriment)

Le personnage est donc décrit par la singularité de sa voix, ses inflexions, son lexique, sa rhétorique (exemple : Dans le texte Aux Champs, les personnages ont une parlure maladroite, burlesque)

LES FONCTIONS DU PORTRAIT

Dans son texte Le Personnage de Roman (1998), J.P Miraux décrit les différentes fonctions d'un portrait :

  • Fonction mathésique : Le portrait va nous renseigner sur une époque, un contenu, il va enseigner quelque chose → DIDACTIQUE (exemple : Le portrait de Coupeau d'Émile Zola permet au lecteur d'apprendre les caractéristiques du métier de zingueur)
  • Fonction mimésique : C'est de la lecture réaliste → La portrait suscite un effet de présence dans le texte et dans l'imagination du lecteur. Le portrait accentue l'illusion référentielle + Imitation du réel → Le lecteur est amené à croire à l'existence du personnage (exemple : Portrait de Monsieur de Rênal, dans Le Rouge et le Noir de Stendhal)
  • Fonction sémiosique : (programmatique) Le portrait donne des indices, laisse prévoir la fin de l'histoire ou le destin des personnages. (exemple : Le portrait de Mlle de Chartres dès l'incipit de La Princesse de Clèves  de Mme de La Fayette qui nous permet de comprendre son refus pour la passion à la fin de l'histoire)
  • Fonction esthétique : Le portrait va créer une émotion dans l'imaginaire du lecteur (exemple : La description de la ville de Rouen dans l'esprit d'Emma Bovary n'est pas celle qui va apparaître dans l'esprit du lecteur)
  • Fonction symbolique : L'auteur va transmettre des valeurs au travers de son portrait, (exemple : Dans le portrait de Nana, Zola décrit une porosité extrême entre la saleté du lieu dans le quelle elle vit et sa saleté morale. Son texte dénonce la porosité existante entre l'univers et l'individu → théorie du milieu)

DU PERSONNAGE À LA FIGURE

Il y a des personnages individualisés, mais la description de ces personnages peut être réalisée de façon à représenter, exemplifier tel ou tel comportement social.

Dans le cas du personnage type, (= emblème d'une généralisation) parfois le type peut être poussé jusqu'à la caricature (exemple : Le portrait du père Goriot de Balzac est une représentation type de la paternité.)

l'auteur Flaubert voit dans la création du type, une marque de génie

« Ce qui distingue les grands génies, c'est la généralisation et la création. Ils résument en un type des personnalités éparses et apportent à la conscience du genre humain des personnages nouveaux » 

- Flaubert

Dans le cas du personnage figure, un personnage peut connaître plusieurs incarnations (exemple : Dans le texte La femme de 30 ans, le personnage décrit est représentatif d'une pensée. Balzac fait à travers de son personnage, l'histoire de son siècle. Il arrive à la France ce qui arrive à la femme de 30 ans : tromperies, déceptions.. → Personnification du XIXème siècle en femme)

III - Le personnage dans une configuration : Le Système des personnages

A) Définition du héros

  • Personnage principal, mis en valeur vis à vis des autres personnages
  • Celui dont l'action paraît la plus déterminante dans la progression narrative
  • Homme de courage et de mérite supérieur, favoris des dieux
  • Être hors du commun par la naissance (ascendance divine)
  • Porteur de valeurs collectives
  • Son aventure individuelle symbolise la quête du groupe auquel il appartient
  • Va susciter les sentiments des autres personnages et du lecteur (admiration)
  • Porteur de nombreuses qualités (bravoure, habilité, ruse, piété, force, courage)

La stature exceptionnelle du héros perdure encore dans certains romans

(exemple : Dans la Condition Humaine de Malraux, il y a une forme d'héroïsme collectif / Dans Les Hommes de bonne volonté de Jules Romain, le peuple de Paris tout entier porte le statut de héros)

B) Le personnage comme sujet d'un regard ou d'un discours

Personnage = Entité qui se définit par rapport à un ensemble auquel elle appartient

Mais c'est avant tout un point de vue et un discours :

Le personnage est un élément essentiel dans la polyphonie (cours lettre persanes ici). 

Polyphonie d'un discours : éparpillement, tensions, différents points de vue, différentes perspectives, discours divergents..

Plus le narrateur reste discret et laisse place aux personnages, plus la polyphonie est importante (exemple : Dans les Lettres Persanes de Montesquieu, les points de vues des personnages sur l'histoire de Roxane ou sur la situation du sérail sont tous différents, ils participent à l'élaboration d'un portrait diffracté)

C) Les personnages comme sujet d'une action

Personnage = vecteur, sujet d'une action

Cette définition du personnage est celle de la Poétique d'Aristote, qui évoque les personnages comme des forces agissantes et non des caractères. On parle alors d'actants permettant la réalisation d'un schéma actantiel.

Schéma actantiel :

  • Destinateur : Celui qui determine la tâche du sujet, lui propose l'objet à atteindre
  • Sujet : Personnage qui accomplit l'action, poursuit un but
  • Objet : But de l'action, ce que vise le sujet, sa quête
  • Destinataire : Celui qui reçoit l'objet et sanctionne le résultat de l'action
  • Adjuvant : Celui qui aide le sujet dans son action
  • Opposant : Celui qui fait obstacle à l'action du sujet

IV - L'évolution du personnage, en lien avec l'évolution du genre romanesque

  • Ancêtre du roman : l'Épopée
  • Ancêtre du personnage : Le Héros

L'épopée grecque, (majoritairement connue par l'Illiade et l'Odyssée d'Homère) fournit  le modèle des héros et permet d'associer le statut de personnage à un être doté de qualités exceptionelles. 

Raconté par des aèdes, ces chants permettaient de célebrer les héros en s'appuyant sur de nombreuses hyperboles, procédés d'amplification, épithètes homériques etc..

Le mot "roman" apparaît pour la première fois au XIIème siècle dans l'oeuvre de Chrétien de Troyes qui affirme qu'il "entreprend un roman" en racontant l'histoire de Lancelot du lac dans son la préface de son texte Chevalier à la charrette

Le mot "roman" désigne un texte en langue romane (langue vulgaire, en français ≠ latin, langue des érudits) et en vers. Le roman en prose n'apparaît qu'au XIVème siècle.

Au XIIème siècle, le roman est spécialisé dans la littérature courtoise (= roman de cour, d'aventure comme Tristan et Iseult) Puis apparaissent les romans de chevalerie, dans lesquels le héro est présenté comme généreux, combattant, acceptant l'amour de sa dame, loyal, courageux et fidèle → Image idéalisée du monde et des relations entre les hommes 

L'époque médiévale (moyen âge) va voir apparaître des personnages pour rire et réfléchir → les personnages ne sont plus idéalisés (exemple : Le Roman de Renart joue avec les différents codes romanesques, antiques et courtois en présentant un monde animal qui rappelle celui des humains)

Au XVI siècle, Rabelais dans Pantagruel et Gargantua va mettre en scène des personnages gigantesques, des géants → objectif satirique + philosophique

Du héros au personnage,du XVIIème siècle au XVIIIème..


A) XVIIème siècle 

Au XVIIème, le genre romanesque se diversifie. Face à l'inspiration héroïque, une importante veine satirique va se développer → parodie des héros et des valeurs chevaleresques (exemple : Don Quichotte de Cervantes, Le Roman Comique de Scaron)

LE ROMAN HÉROÏQUE (mouvement Baroque)

Le personnage est définit par la place qu'il occupe dans le récit. Il a le plus souvent un statut héroïque → peu de précisions sur sa description physique + morale. On lui attribue seulement ses qualités morales qui le définissent comme un héros. 

Code de l'excès en tout genre, Georges Molinié le définit par :

Le roman héroïque serait donc le roman d'amour et d'exploits, dans une atmosphère sentimentale exaltée de générosité

-Georges Molinié

Il est caractérisé par l'invraisemblance de ses situations et par sa longueur (+ 1 000 pages pour certains), on parle de roman-fleuve

(exemple : Artamène ou le Grand Cyrus écrit par Mlle de Scudéry est le plus long roman de la littérature française, elle y fait le portrait de Cléomire → référence mythologiques, hyperboles, superlatifs → personnage peu réaliste, portrait stéréotypé)

LE ROMAN PASTORAL

pastoral = berger, bergère = guide

Honoré d'Urfé (grand auteur pastoral) reprend au XVIIème siècle le genre pastoral dans son oeuvre L'Astrée. Il met en scène des personnages en habits de bergers ou de nymphes dans un territoire grec. Leur vie est basée sur l'amour et l'harmonie, les hommes se distinguent par leur noblesse d'âme et leur sensibilité, et tous les personnages rivalisent d'éloquence et de goût → réflexion sur l'amour, registre bucolique

LE ROMAN COMIQUE

Le roman est dit "comique" par extension du titre donné par Scarron à son oeuvre inachevée. Le personnage du roman comique est proche du personnage de théatre en comédie. On met de côté la facette héroïque du personnage pour le présenter sous un angle burlesque, grotestque → caricature du héros.

En changeant le cadre social, en dévoilant leurs défaults, les personnages s'humanisent, se rapprochent du statut d'humains ordinaires

Dans l'incipit du Roman Comique de Scarron, on dresse un portrait plein d'humour et de pittoresque d'un jeune homme

"Un jeune homme, aussi pauvre d'habits que riche de mine, marchait à côté de la charette. Il avait un grand emplâtre sur le visage, qui lui couvrait un oeil et la moitié de la joue, et portait un grand fusil sur son épaule, dont il avait assassiné plusieurs pies, geais et corneilles, qui lui faisait comme une bandoulière au bas de laquelle pendaient par les pieds une poule et un oison qui avaient bien la mine d'avoir été pris à la petite guerre. Au lieu de chapeau, il n'avait qu'un bonnet de nuit entortillé de jarretières de différentes couleurs, et cet habillement de tête était une manière de turban qui n'était encore qu'ébauché et auquel on n'avait pas encore donné la dernière main. Son pourpoint était une casaque de grisette ceinte avec une courroie, laquelle lui servait aussi à soutenir une épée qui était aussi longue qu'on ne pouvait s'en aider adroitement sans fourchette. Il portait des chausses trouées à bas d'attache, comme celles des comédiens quand ils représentent un héros de l'Antiquité, et il avait, au lieu de souliers, des brodequins à l'antique que les boues avaient gâtés jusqu'à la cheville du pied"

LE ROMAN PSYCHOLOGIQUE / D'ANALYSE

 Émergence d'un nouvel idéal : celui de "l'honnête homme" au siècle Classique. Importance de la vie mondaine et de ses codes + courant de la Préciosité. La conception du personnage de roman traduit la sensibilité de l'époque → naissance du roman psychologique avec La Princesse de Clèves de Mme de LaFayette

Du XVIIIème siècle au XIXème : l'émergence de l'individu


Le personnage n'est plus dépositaire d'un destin collectif, les enjeux sont désormais personnels et privés. 

Cette évolution coïncide avec l'émergence de la bourgeoisie et de la psychologie + apparition de l'être comme individu → possédant une sensibilité et des aspirations qui lui sont propres

Il peut posséder des qualités mais aussi des défaults, c'est un être atypique, marginal, en désaccord avec les lois de son groupe qu'il peut être amener à transgresser (exemple : Manon Lescault de l'Abbé Prevost qui traduit la marginalité du personnage principal ; Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos)

Le XIXème siècle : le personnage réaliste, naturaliste


A) L'observation de la réalité

Les romanciers cherchent à décrire le monde dont les repères sont brouillés (Histoire mouvementée du XIXème siècle : révolutions, succession de régimes, mutations technologiques et sociologiques, émergence de la bourgeoisie) 

Le réalisme consiste à représenter les personnages dans les moments quotidiens de la réalité.

Le roman d'apprentissage permet de raconter le parcours des personnages (exemple : Dans Le Rouge et le Noir, Stendhal raconte le parcours du jeune Julien Sorel ; L'Éducation Sentimentale de Flaubert ; Bel Ami de Maupassant) 

Émergence du personnage de l'arriviste (ascension sociale)

B) La désidéalisation du personnage romanesque

Le naturalisme pousse encore d'avantage la désidéalisation du personnage romanesque mis en place par le réalisme.

Chez Zola, le personnage est un être banal : pour lui, le premier homme qui passe est un héros suffisant

Ce personnage tiré de la rue n'est pas traité comme une personne : il est observé et analysé, pris comme un objet d'étude au sens scientifique du terme. Le personnage Zolien est sans âme, il est réduit à la somme déréglée de ses organes. 

(exemple : Préface de Thérèse Raquin de Zola, l'auteur dit que ses personnages ne sont que des "brutes humaines")

Thérèse et Laurent sont des brutes humaines, rien de plus

- Émile Zola

Selon lui, le roman expérimental (=. oeuvre critique) permet "l'étude de l'homme naturel" (= l'homme dans la nature, en tant qu'animal)

Le roman expérimental substitue à l'étude de l'homme abstrait, de l'homme métaphysique, l'étude de l'homme naturel 

Le début du XXème siècle : la déstabilisation du personnage de roman


XXème siècle : 2 guerres mondiales, découverte des camps de concentrations, découverte de la psychanalyse → a périmé la conception du personnage, suppression d'un idéal

On va faire une place à l'irrationnel, l'inconscient pour permettre à la caractérisation du personnage d'être mouvante, complexe.

(exemple : Dans son oeuvre À la recherche des temps perdus, Marcel Proust choisit un narration à la première personne pour évoquer ses personnages au travers du filtre de la subjectivité → on ne voit pas les personnages tels qu'ils sont réellement, on les voit à travers les yeux du personnage)

(exemple : Céline a mesuré les conséquences de l'ébranlement dues aux innovations du XXème siècle, son oeuvre Voyage au bout de la nuit met en place un personnage du nom de Céladon qui rappelle le nom du berger doux de l'Astrée. Chez Céline, Céladon est un général d'armée gouverné par la violence des pulsions meurtières et animales ignorées enfouies, refoulées)

(exemple : Dans La Condition Humaine, Malraux lie l'univers du roman au domaine du fantasme → le personnage de Tchen représente le monde grouillant de profondeurs psychiques. Les personnages se débattent contre leurs propres démons intérieurs révélés par des métaphores animales)

Les fondements et les valeurs de la société sont mis à mal par le traumatisme du aux deux guerres mondiale. Les parcours et les attitudes des personnages rendent compte des questionnements + désarrois face au monde. 

(exemple : Le personnage de Meursault, anti-héros de L'Étranger de Camus ne dévoile jamais ses sentiments, et révèle l'absurdité du monde dans lequel il se sent étranger)

Le XXème siècle : la déconstruction du personnage romanesque

A partir des années 1950, le Nouveau Roman déconstruit l'entité personnnage elle même. 

On voit cette entité se dissoudre dès la première page de Les Gommes de Robbe-Grillet. L'auteur choisit de déconstruire le personnage car il répond selon lui à une idéologie particulière, mélange d'humanisme et d'individualisme bourgeois. Dans ses romans, Robbe-Grillet supprime les noms propres, ou les remplace par de simples initiales.

Nathalie Sarraute s'intéresse aux "sous conversations", aux consciences et aux lieux communs. Elle désindividualise le sujet du discours et explore au plus profond la vie intérieure.

De nos jours


Avec ou sans passé, énigmatiques, les personnages sont multiples et changeants. Les auteurs cherchent à choquer. La conception du personnage de roman reste toujours le miroir des interrogations que l'auteur veut transmettre sur l'Homme et le monde.
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