Le philosophe Scythe

06/11/2016

Admirateur de l'antiquité, La Fontaine s'inspire de différents écrivains tels qu'Esope et Phèdre pour écrire ses fables. «Le Philosophe Scythe» appartenant au 3ème recueil de Fables publié en 1694 s'inspire de l'écrivain latin Aulu-Gelle.


Jean de La Fontaine (1641-1695), auteur du XVIIème à connu une vie à la cour où il a pu être témoin des vices de son temps. Il passe la première partie de sa vie tel un libertin sous la protection de Fouquet, ministre du roi Soleil. Roi qui, suite à un affrontement économique de la part de celui ci, va disgracier Fouquet et l'auteur.
La fable est un apologue, genre renouvelé par La Fontaine au XVIIème siècle.

En quoi l'art du récit du fabuliste permet-il de proposer une réflexion sur le bonheur dans cette fable ?


I - Un art du récit qui vise à divertir et plaire

 A) Cadre spatio-temporel

La Fontaine s'inspire des temps antiques à travers des réferences littéraires :

  • "semblabe au vieillard de Virgile" (vers 4) fait allusion au chapitre IV de Les Géorgiques de Virgile qui décrit le travail fructueux d'un vieillard malgré sa terre peu fertile
  • "homme approchant des dieux" fait référence à la mythologie qui dépeint la vie heureuse des dieux immortels sur l'Olympe, jouissant des délices du nectar et de l'ambroisie (le pluriel du terme "dieux" ancre la scène dans un lieu ancien puique au XVIIème on a qu'un seul dieu)

Les lieux choixis ramènent eux aussi au temps antiques :

  • "né dans la Scythie" (vers 1) La Scythie est un pays rude aux bords de la Mer Noire dont les habitants sont considérés comme rustres. → description d'un locus horribilis
  • "chez les Grecs" (vers 3) Represente le monde civilisé avec les arts, les lettres, la philosophie, c'est un modèle de sagesse → description d'un locus amoenus

Cette origine géographique explique les personnalité des deux personnages

B) Le récit d'une rencontre

Les personnages -

  • Un "Philosophe" associé à la Scythie : pays rude, sauvage et austère
  • Un "Sage" associé à la Grèce : Cité de lumière

Comportement -

L'un donne des conseils à l'autre :

Le "Sage Grec" :

  • Portrait Élogieux 
  • Symbole du bonheur absolu → Ataraxie
  • Contexte édénique (=Éden) "beautés d'un Jardin" ; "Dieux"
  • Heureux "son bonheur", Serein "satisfait et tranquille", fait preuve de discernement et de tranquillité dans ses actes "ébranchait" ; "émondait" 
  • Actes réfléchis 
  • Choix à faire plaisants
  • Pas de labeur
  • Jardin dans lequel il est représenté évoque la nature travaillée par l'homme. Le résultat obtenu est très positif → Métaphore de l'argent "Excessive à payer" ; "le reste en profite autant"
  • Symbole de l'Épicurisme

Le "Philosophe Scythe" :

Portrait péjoratif :

  • Actions irrationelles "contre toute raison", renforcée par l'accumulation "Sans observer temps ni saison, / Lunes ni vieilles ni nouvelles."
  • Actions qui connotent de la mort "Faux du temps" ; "Noir rivage" ; "Abatis" ; "meurt" renforcé par l'hyperbole "Universel abatis"
  • Sonorités cassantes "coupe" ; "taille" ; "tronque"
  • Négativité destructrice + absence de discernement
  • Application systématique et dogmatique des conseils du sage

Le constat de son échec est brutal.


La fable est bâtie sur cette antithèse (personnages antithétiques). La première partie montre le bonheur du Sage, la 2ème partie montre l'imitation du Scythe qui se trouve être un échec total, le philosophe n'a rien compris. La 3ème partie elle est la morale de la fable.

C'est un récit court et plaisant :

Le récit de cette rencontre est construit telle une comédie qui connaît une évolution spatiale et temporelle dans un contexte non précisé (généralisation) :

  • Présentation du sage à l'Imparfait → Pause dans l'action
  • Dialogue entre les personnages (deux points de vue opposés) → Action reprend

Diversité narrative → jeu d'oppositions → double conception de la vie.

On y retrouve des allusions philosophiques et culturelles :

  • Philosophe → Stoïcien → Austérité et violence + Archétype du destructeurde ce que la vie a comme plaisir
  • Sage → Épicurien → Doté d'une civilité + Prend goût aux plaisirs de la vie

Soit, deux conceptions antithétiques :

  1. Le "sage Grec" : Image de la satisfaction tranquille + souci de l'ésthetique
  2. Le "Philosophe Scythe" : Dogmatique et intrasigeant + Violence et lubhryce (= démesure) + abscence de sensibilité

II - Le sens de la fable


A) Récit symbolique 


C'est un récit symbolique, Jean de la fontaine donne sa morale par le biais d'un personnage éponyme qui affirme "Ce Scythe exprime bien / Un indiscret Stoïcien". Le vers est mis en relief par sa diérèse et le fait qu'il soit en octosyllabe. 

Le fait que le philosophe symbolise le Stoïcisme est clairement dit dans la fable, contrairement à l'Epicurisme. On le déduit par l'expression du Jardin, lieu d'éducation épicuriste ainsi que par l'évocation de la grèce. 

Le vers 30 : "Celui ci retranche de l'âme / Desirs et passions" éclaire sur le sens de la fable. L'âme est alors caractérisée par le Jardin, les désirs et les passions par les branches coupées

Le sage apparaît alors comme le moraliste raisonnable, il tient compte des "saisons" et ne supprime que le superflu. Il respecte la nature, la corrige seulement dans le but de la rendre meilleure. Le philosophe quant à lui manque de discernement et supprime tout, bon ou mauvais.

C'est une critique du Stoïcisme, ici représenté comme un excès. Le Stoïcien demande la suppression de toutes les passions, bonnes ou mauvaises "jusqu'au plus innocent des souhaits". Tandis que l'Epicurien ne supprime que le négatif, superflu, conservant une part d'humanité.

En effet, pour lui les passions et les désirs peuvent être utiles. Un homme sans passion n'agit plus, il perd une part de son humanité. Vivre sans passions ni désirs ce n'est pas vivre vraiment. En moraliste, il souhaite seulement une correction, la suppression du nocif, pas de tout.

B) Le point de vue de l'auteur

En apparence, Jean de La Fontaine reste très neutre, il n'y a pas de "Je" dans le début du texte mais il influence quand même le lecteur. On perçoit clairement l'éloge du sage et le blâme du Scythe.

Dans les 3 derniers vers de la fable on remarque une intervention au discours direct. Présence du pronom "je" renforcé par la forme tonique "quant à moi" (emphase) . L'inversion syntaxique "contre de tels gens" met en relief son désaccord avec le stoïcisme. 

A travers une critique des stoïciens fondée sur l'anaphore du pronoms "Ils", les verbes négatifs ("ôtent" ; "font cesser"et l'antithèse vie/mort , on perçoit la conception de La Fontaine :

  • Pour lui les désirs et les passions peuvent être utiles. Une homme sans passion n'agit plus et perd une part de son humanité. Vivre sans désirs ni passions n'est pas vivre vraiment.
  • En moraliste, il souhaite une simple correction, supprimer les passions nocives et dangereuses mais conserver celles qui sont bénéfiques. C'est la philosophie EPICURIENNE.

Son bonheur est alors un bonheur calme et modéré (XVIIème siècle = Classicisme = Siècle de la modération). Il faut savoir apprecier ce que l'on a, tout en l'améliorant par le travail.


CONCLUSION

"Fable" du latin "fabula" signifie mensonge, le récit est fictif

Chez la Fontaine, le mensonge est enjolivé par une écriture en vers et l'hétérométrie ainsi que par l'alternance des rimes (embrassées, croisées et suivies)

La fable reste un mensonge au service de la vérité, le sens de la fable reste veridique, c'est un texte à double sens.   



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