Pensées, Pascal

15/11/2016

De nos jours, se divertir signifie s'amuser, se distraire.

Jusqu'au XVIII, se divertir signifiait se detourner de, penser à autre chose.

Pascal est un mathématicien et philosophe du XVIIème siècle, il rédige ses Pensées à la fin de sa vie, afin d'écrire une Apologie du Christianisme. Il mourra avant de terminer son oeuvre (oeuvre incomplète). Son texte s'organise selon sa pensée, il n'a pas de plan et écrit selon ce qu'il pense, malgré ça, on observe une précieuse structure dans la rédaction de son oeuvre. C'est un auteur influencé par le mouvement janséniste.

A travers son oeuvre il cherche à convaincre les non croyants et les jésuites que Dieu est la seule chose importante pour l'homme et la seule condition au bonheur. Son but est de :

Faire connaître à l'Homme son état de misère

explique son neveu, Etienne Perrier.

L'extrait étudié est le 139ème fragment, appartenant à la section Divertissement, des Pensées et de la liasse "Misère de l'Homme sans Dieu".

Dans cet extrait il analyse le divertissement dont les hommes ont besoin pour oublier la misère de leur condition. Au lieu de comprendre que la misère vient du pêché originel, que cela ne peut pas être changé malgré toute la volonté possible. Il explique que les hommes fuient la triste réalité en se distrayant, pour ne pas se rendre compte de la misère qui les entoure.

Ce thème du divertissement est à l'origine un thème stoïcien, c'est l'évocation de la diversion qui éloigne l'homme des passions et lui permet la totale maîtrise de soi.

Un discours structuré

Dans son texte, on remarque la marque du "je" qui témoigne d'un auteur très présent.➞ c'est le développement de sa pensée personelle.

Comme dans un protocole scientifique, l'auteur parle de son experience personnelle "Je m'y suis mis" ; "J'ai dit souvent" ; "J'ai pensé" ; "J'ai trouvé" pour accéder aux lois naturelles "On se figure" ; "On assemble" ; "On s'en imagine" ; "Qu'on peut gagner"

Pascal se fait simple observateur de la nature humaine "Quand je m'y suis mis quelquefois à considérer les diverses agitations des hommes" , le texte se construit sur un système du général au particulier  (RAISONNEMENT INDUCTIF) :

  • "Des hommes" ; "on" ; "un homme" "il tombera" ; "le plus beau poste du monde" "il"
  • "les femmes, la guerre, les grands emplois" ; "on s'imagine" ; "on court" "le roi" ; "à lui" ; "il y pense"

On oberve une progression dans la pensée de Pascal "Quand je m'y suis mis" ; "Mais quand j'ai pensé" ; "Qu'après j'ai voulu en découvrir" ; "Lorsque"

Les idées sont reliées entre elles par des connecteurs logiques "Mais" ; "Cependant" ; "S'il" ; "De sorte que" ; "De la vient que" 

Elles s'enchaînent par :

  • Des liens de conséquences "De la vient que.."
  • Des implications mathématiques "Si.. Alors"

Démarche abstraite pour que l'homme puisse comprendre le monde

  • Par la raison "penser" ; "songer" ; "considérer"
  • Par le raisonnement inductif (du général au particulier)

C'est le raisonnement cartésien de Descartes, dont Pascal faisait l'éloge dans "De l'Esprit Géométrique"

Cette structure contraste fortement avec l'idée que le texte est inachevé :

La phrase en italique "L'Unique bien des hommes consiste donc à être divertis de penser à leur condition ou par une occupation qui les en détourne, ou par quelque passion agréable et nouvelle qui les occupe, ou par le jeu, la chasse, quelque spectacle attachant, et enfin par ce qu'on appelle divertissement"  (lignes 22 à 25) était une note de Pascal, l'oeuvre ayant était interrompu par sa mort, il n'aura jamais l'occasion de rédiger cette pensée. Le fait que le texte est inachevé est souligné par les "etc.." (lignes 3 et 9)

Exemple du roi

Pour illustrer sa thèse : "J'ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre." (lignes 4 et 5) Pascal utilise l'exemple du roi (Pascal était un homme de cour, cela explique le choix de ses exemples) Il observe le roi et ses sujets  

"Quelque condition qu'on se figure, si on assemble tous les biens qui peuvent nous appartenir, la royauté est le plus beau poste du monde et cependant, qu'on s'en imagine, accompagné de toutes les satisfactions qui peuvent le toucher, s'il est sans divertissement, et qu'on le laisse considérer et faire reflexion sur ce qu'il est - cette félicité languissante ne le soutiendra point - il tombera par nécessité dans les vues qui le menacent, des révoltes qui peuvent arriver, et enfin de la mort et des maladies qui sont inévitables, de sorte que, s'il est sans ce qu'on appelle divertissement, le voilà malheureux, et plus malheureux que le moindre de ses sujets qui joue et qui se divertit." (lignes 14 à 21)

L'expression du "plus beau poste du monde" = hyperbole = superlatif de supériorité. Pascal fait semblant de rattacher au roi un bonheur réel du à son pouvoir. ➞ Même le roi est malheureux s'il n'est pas divertit. C'est une critique de ses possesions "Félicité languissante" (ligne 17) témoigne d'un bonheur illusoire qui entrainera sa chute certaine"il tombera" (ligne 18)
Le pouvoir est une illusion du bonheur
➞ Registre tragique (destin inéluctable)


3ème paragraphe :

  • Début ➞ Le roi est le plus heureux de tous
  • Fin ➞ Sans divertissement, le roi est le plus malheureux de tous "s'il est sans divertissement le voila malheureux (...) et plus malheureux que le moindre de ses sujets qui joue et qui se divertit" (ligne 21) ➞ CHIASME (et paradoxe)

L'homme est de nature imparfait, mortel et misérable, il se sert du divertissement pour ne pas y penser.
Pour Pascal le bonheur n'est possible qu'après la mort, si Dieu accorde la grâce à l'homme. C'est propre à l'homme d'être malheureux "qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près." (lignes 12)


Le discours de Pascal est donc une aporie l'homme se sert du divertissement pour oublier sa condition misérable MAIS le divertissement entraîne le chaos et renforce son malheur

Conséquences des malheurs

L'exemple du roi va permettre d'élargir sa réflexion à l'homme en général

L'anaphore "de la vient que.." (ligne 26 et 33) répetée 4 fois dans le texte montre qu'une seule raison est à l'origine de toutes les activités énumerées "conversations des femmes, la guerre, les grands emplois" ; "le lièvre qu'on court", celle de nous détourner de la pensée de notre condition.


  • "le lièvre qu'on court" (ligne28)  possède un double sens il peut exprimer la chasse ou l'expression "courir deux lièvres à la fois" qui fait référence à des objectifs à atteindre.

Un bonheur impossible

L'Homme reste misérable malgré ses objectifs ➞ Agitation vaine et inutile, dispersement perpetuel. 

Les activités évoquées sont censées permettre à l'Homme d'échapper à la conscience de son malheur, toutefois l'évocation des agitations vaines qui ne permettent à aucun moment d'atteindre le bonheur, pour au final plonger dans le chaos et dans le malheur.

Recherche du chaos

Insistance sur l'aspect chaotique des agitations humaines :

  • Énumération des troubles des hommes
  • Périodes
  • Polysyndètes "les diverses agitations des hommes et les périls et les peines"
  • Parallélisme "Dans la cour, dans la guerre" (ainsi il compare la cour à la guerre. C'est un miroir étonnant entre les deux lieux. C'est une vision négative, un aspect néfaste)
  • Rythme ternaire "de querelles, de passions, d'entreprises" (ligne 3)
  • Adverbes d'intensité "tant que"
  • Champ lexical du chaos "périls" ; "peine" ; "guerre" ; "malheurs" ; "querelles"

Le bonheur se révèle ainsi impossible à l'homme, le divertissement entraînant le chaos (=désordre). "diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s'exposent, dans la cour, dans la guerre, d'où naissent toutes les querelles, de passions, d'entreprises hardies et souvent mauvaises" (ligne 2) Il utilise un vocabulaire négatif pour définir le divertissement.

➞  Le divertissement ne permet pas le bonheur, il entraîne le chaos

"qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre" (ligne 5) forme une antithèse entre les termes "repos" et "chambre" Mais l'Homme ne peut pas se reposer, il se plonge alors dans un malheur d'autant plus grand ➞ le bonheur est impossible

Dans son texte Pascal écrit plusieurs paradoxes (para/doxa = contre la pensée admise généralement par tous), 

  • "l'homme ne peut pas demeurer en repos, dans une chambre" (ligne 5)
  • "c'est le tracas qui nous (...) divertit" 
  • "la paix trouble les hommes"
  • "l'homme désire la paix mais il est incapable de la trouver sans l'ennui"
L'Homme s'auto-illusione sur les raisons qui le font agir. On se plonge dans les troubles pour oublier nos troubles ➞ cercle vicieux. On ne recherche pas la paix, car elle trouble les hommes, on cherche le tracas pour oublier notre misère.


Ces paradoxes sont présents dans tout le texte, il associe des termes mélioratifs à des formules négatives. "ce n'est pas qu'il y ait en effet du bonheur ; ni qu'on s'imagine que la vraie béatitude soit d'avoir l'argent qu'on peut gagner au jeu, ou dans le lièvre qu'on court : on n'en voudrait pas s'il était offert " 

"Béatitude" ; "Bonheur""ce n'est pas que" ; "ni que" ; "ni qu'on"

satisfactions obtenues factices

L'Homme se livre à des agitations vaines, sans sens.

On ne recherche donc pas les biens eux-mêmes, mais  la distraction que leur quête nous procure "on n'en voudrait pas s'il nous l'était offert"  Le paradoxe est donc que les hommes ne cherchent pas réellement ce qu'ils semblent désirer. 

  • présent de vérité générale, à la fin du 4e paragraphe : on recherche  "le tracas qui nous détourne d'y penser et nous divertit" 

 L'homme qui désire la paix est incapable de la trouver sans sombrer dans l'ennui, ne peut ainsi la chercher, paradoxalement, qu'à travers son contraire : le tracas et l'agitation. :

  • Champ lexical du repos "mol et paisible" ; "repos" ; "chambre"  se chargent d'une connotation négative, celle de l'ennui
  • Champ lexical de l'agitation se chargent d'un connotation plus positive "le tracas (...) nous divertit"

Le paradoxe est finalement que la paix trouble les hommes, quand le trouble au contraire les apaise.

Vision pessimiste


C'est en effet une vision très pessimiste de l'homme, influencée en partie par ses conceptions jansénistes, qui sert de point de départ à la méditation de Pascal. 

Notre condition est présentée dans le deuxième paragraphe comme "faible et mortelle, et si misérable que rien ne peut nous consoler". On relève dans cette courte description un registre pathétique, à travers les trois adjectifs épithètes coordonnés "faible" ; "mortelle" ; "misérable"

Ces trois adjectifs suivent un crescendo rythmique + gradation

  • "faible" - 1 syllabe
  • "mortelle" - 2 syllabes
  • "misérable" - 3 syllabes

Permet d'accentuer le dernier "misérable" + accentué par l'adverbe d'intensité "si"

Pascal mentionne plus loin "notre malheureuse condition" (4e paragraphe), et le terme "malheur" revient à plusieurs reprises dans le texte : "malheur des hommes", "malheur naturel" ; "malheureux s'il y pense"

➞ Registre PATHETIQUE  "faible" ; "mortel" ; "misérable" et TRAGIQUE "destin" ; "fatalité"


Le bonheur n'est possible qu'après la mort, et seulement si Dieu accorde sa grâce. Pascal démontre et révele que l'Homme ne peut pas accéder au bonheur. Seule la grâce divine peut lui apporter ce bonheur. La condition humaine est TRAGIQUE, que l'homme soit au repos ou qu'il se divertisse, il sera malheureux. Au lieu de se divertir, l'Homme devrait se concentrer sur Dieu. L'Homme se détourne de lui même en se divertissant, il devrait se concentrer sur sa véritable quête, Dieu.

  

 Exemple d'ouverture : Parler de l'influence de Pascal à été énorme. On peut mentionner le texte "Un roi sans divertissement" de Jean Giono (XXème siècle).




Easy Study - Nous contacter : manongubeno@hotmail.fr
Optimisé par Webnode Cookies
Créez votre site web gratuitement ! Ce site internet a été réalisé avec Webnode. Créez le votre gratuitement aujourd'hui ! Commencer